par Sébastien Millet
L'action en "comblement de passif environnemental" dans les groupes de sociétés a désormais un cadre légal
En cas de liquidation judiciaire, il existe désormais un cadre légal permettant d’obtenir devant le Tribunal de commerce la condamnation d’une société-mère, dans le cas où elle a commis une faute caractérisée conduisant à insuffisance d’actif de sa filiale et mettant celle-ci dans l’impossibilité de financer les mesures obligatoires de remise en état du ou des sites suite à l’arrêt de ses activités (cf. nouvel article L. 512-17 du Code de l’environnement issu du Grenelle II).
Dans cette hypothèse, la société–mère peut donc être jugée solidairement responsable avec sa filiale en liquidation judiciaire.
La jurisprudence avait déjà laissé entendre qu’une société-mère pouvait voir sa responsabilité civile engagée en cas notamment de faute de gestion ou d’ingérence dans les affaires de sa filiale (cf. Cass. Com. 26 mars 2008, n° 07-11619, a contrario ; décision qui concernait toutefois le cas d’une dissolution volontaire).
Par ailleurs, un système de responsabilité en cascade est mis en place : le liquidateur, le Parquet ou le Préfet de département peuvent également remonter l’organigramme du groupe et diriger cette action :
- à défaut, si la société-mère jugée responsable est elle-même en insuffisance d’actifs, contre sa propre société-mère si elle existe et qu’une faute caractérisée peut également lui être reprochée (responsabilité subjective) ;
- à défaut, si cette dernière est elle-même en insuffisance d’actifs et qu’il existe une société-mère, contre celle-ci sans nécessité de caractériser une faute (responsabilité objective). Dans tous les cas, les sommes consignées par la filiale exploitante en vue des opérations de remise en état sont alors déduites des sommes dues par la ou les sociétés condamnées.
Du point de vue des obligations de remise en état, le découpage entre personnes morales juridiquement distinctes et indépendantes n’est donc plus une protection absolue contre les poursuites, la logique étant de pouvoir sanctionner à un niveau de responsabilité pertinent, c’est-à-dire celui où se prend réellement la décision (il est en effet fréquent que dans les groupes de sociétés, l’autonomie de gestion d’une filiale soit assez artificielle).
Ceci étant, il convient d’observer que la portée de ce dispositif est restreinte au domaine de la remise en état post-liquidation judiciaire ; sans pouvoir remonter au-delà du 4e échelon dans l’organigramme, ce qui est de nature à limiter le périmètre de responsabilité dans les structures complexes.
Néanmoins, cette évolution était attendue et contribuera incontestablement à renforcer l’exigence d’une approche intégrée et vertueuse de la dimension environnementale dans les choix organisationnels et financiers des groupes de société.
groupes de sociétés • liquidation judiciaire • remise en état • responsabilité environnementale • solidarité