par Arnaud Pilloix
Faute inexcusable, préjudice d'anxiété et QPC
Au titre des nouveautés de l’année 2010, il faut noter trois arrêts qui modifient les règles du jeu en matière d’indemnisation pour la victime d’une faute inexcusable de l’employeur. Cela concerne les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dont l’origine est due à une faute inexcusable de l’employeur, lequel avait connaissance du danger mais n’a pas pris de mesure pour preserver la santé de ses salariés:
1. Indemnisation du préjudice d’anxiété
Un nouveau chef de préjudice peut être indemnisé pour les victimes de l’amiante, et pourquoi pas d’une autre maladie professionnelle: le préjudice d’anxiété.
Soc. 11 mai 2010 n° 09-42241 « (…) Attendu que la société Ahlstrom fait grief aux arrêts de l’avoir condamnée à verser aux salariés une somme à titre de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice d’anxiété, alors, selon le moyen : (…)
Mais attendu que, sans méconnaître les dispositions du code de la sécurité sociale visées dans la seconde branche du moyen, la cour d’appel a relevé que les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante, se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; qu’elle a ainsi caractérisé l’existence d’un préjudice spécifique d’anxiété et légalement justifié sa décision »
2. Indemnisation des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle
Saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (cf https://www.ellipse-avocats.com/avocats-bordeaux/jl-debre-sur-la-qpc-il-ne-faut-pas-que-le-filtre-se-transforme-en-bouchon/), le Conseil constitutionnel a considéré que les victimes d’accidents du travail pouvaient demander la réparation de tous les chefs de préjudice à leur ancien employeur en cas de faute inexcusable:
Cons. Const. 18 juin 2010 n° 2010-8
« DÉCIDE :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 18, les dispositions des articles L. 451-1 et L. 452-2 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale sont conformes à la Constitution.
18. Considérant, en outre, qu’indépendamment de cette majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l’employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale »
3. Pas de faute inexcusable pour un accident de trajet:
L’accident de trajet est un accident de la circulation pour se rendre sur son lieu de travail.
Dans un arrêt du 8 juillet 2010 (n° de pourvoi 09-16180), la Cour de cassation était saisie d’une affaire dans laquelle une salariée travaillant habituellement de nuit s’était vue contrainte de revenir sur son lieu de travail en début d’après-midi pour un audit et avait été victime d’un accident de la circulation sur le trajet. Pour les Juges du fond, l’employeur ne pouvait ignorer son état de fatigue en l’absence de temps de repos suffisant et s’était rendu coupable d’une faute inexcusable.
La Cour de cassation censure cet arrêt et exclut l’existence d’une faute inexcuable en cas d’accident de trajet.
Synthèse:
S’il existe plus de chefs de préjudice pouvant faire l’objet d’une réparation pour la victime, cela ne concerne que les victimes d’accident de travail ou d’une maladie professionnelle due à une faute inexcusable de l’employeur, et non les accidents de trajet.
faute inexcusable • inaptitude