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Droit de la Protection Sociale, Droit du Travail
par Sébastien Millet

Prévoyance : où s’arrête l’obligation de bonne foi de l’employeur ?


L’obligation générale d’exécution loyale et de bonne foi du contrat (cf. Code civil, art. 1134 al. 3), très souvent mise en avant –avec succès– par les salariés contre les employeurs dans les affaires touchant le domaine de la prévoyance, trouve également à s’appliquer dans les rapports employeur-assureur.

Quelle que soit la « famille » à laquelle appartient l’organisme assureur (société d’assurance, institution de prévoyance ou organise mutualiste) et la législation applicable au contrat d’assurance, le droit commun reste un référentiel majeur en cas de litige avec le souscripteur.

La jurisprudence s’avère sur ce terrain moins sévère pour l’employeur. C’est ainsi qu’elle vient de rejeter les arguments d’un organisme assureur qui reprochait à l’un de ses clients de ne pas avoir engagé de procédure de licenciement pour inaptitude concernant plusieurs salariés indemnisés au titre d’une invalidité de 2e catégorie.

« (…) Mais attendu qu’ayant retenu qu’au cours de la suspension du contrat de travail l’employeur n’était pas tenu de faire constater l’inaptitude du salarié et qu’une déclaration d’inaptitude même à tout emploi n’avait pas nécessairement pour conséquence le licenciement du salarié concerné, la cour d’appel, qui en a justement déduit qu’aucun manquement contractuel de la SNCM envers son assureur n’était caractérisé, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision (…) »

Cette décision, rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation (cf. Cass. Soc. 6 octobre 2010), se fonde sur les règles classiques concernant :

  • le régime de la suspension du contrat de travail, qui ne prend fin qu’avec la visite médicale auprès du médecin du travail (critère qui n’est pas exempt de toute critique) ;
  • la distinction entre invalidité et inaptitude, deux situations régies l’une par le droit de la Sécurité sociale, l’autre par le droit du travail, et qui ne sauraient être confondues au plan juridique même si elle sont souvent reconnues concomitamment (rappelons que le classement en invalidité II n’entraîne pas automatiquement l’inaptitude, les autorités compétentes pour chacune étant différentes et indépendantes).

Il en découle ici que l’employeur ne pouvait se voir reprocher un manquement à son obligation générale d’exécution de bonne foi du contrat d’assurance ni par conséquent être condamné à indemniser le préjudice invoqué par l’organisme assureur (lié au traitement social de la rente d’invalidité, ce qui modifiait « à la hausse » l’assiette de calcul des prestations).

Attention tout de même à ne pas faire dire à la jurisprudence ce qu’elle ne dit pas :

  • D’une part, le respect de l’obligation générale de bonne foi reste un aspect incontournable dans les rapports contractuels ;
  • D’autre part, certaines pratiques d’entreprise fréquentes telles que le maintien aux effectifs de salariés invalides dans l’attente de l’âge de la retraite n’est pas sans présenter de limites, voire de risques …


Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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