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Droit du Travail
par Sébastien Millet

Licenciement économique & plans sociaux : quoi de neuf sous la grisaille ?


Bien que le droit du licenciement économique fasse l’objet d’une jurisprudence foisonnante, il subsiste toujours certaines zones d’ombre qui, à défaut d’être tranchés de manière très claire laissent place à l’interprétation et donc à l’insécurité juridique.

Tel était le cas sur deux points, pour lesquels la Chambre sociale de la Cour de cassation vient d’apporter des réponses importantes :

1°) Les critères de mises en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) peuvent-ils s’apprécier au niveau d’une unité économique et sociale (UES) ?

Rappelons que l’UES permet notamment de constituer une représentation du personnel commune à plusieurs sociétés lorsque, bien que  juridiquement distinctes, celles-ci ne forment qu’un seul et même ensemble au plan économique et social.

Or, il a toujours été difficile d’appréhender l’UES dans le cadre des procédures de licenciement collectif pour motif économique.

Un arrêt du 16 novembre 2010 vient de préciser que si en principe les conditions d’effectifs (50 salariés et plus) et de nombre de licenciements (10 ou plus sur une même période de 30 jours) dont dépend l’obligation d’établir un PSE s’apprécient au niveau de l’entreprise que dirige l’employeur, il en va autrement lorsque la décision de licencier a été prise au niveau de l’UES et que cette décision est intervenue  au niveau de la direction commune aux sociétés composant l’UES.

Dès lors, les décideurs ne peuvent artificiellement diviser le nombre de licenciements envisagés entre les entités concernées pour se soustraire à l’obligation d’établir un PSE en bonne et due forme et de respecter la procédure d’information-consultation vis-à-vis du comité d’« entreprise » commun.

Tout repose ici sur la démonstration de la fraude manifeste consistant à jouer sur les effets de seuils, et qui d’ailleurs a été à l’origine de la création par la jurisprudence du concept d’UES.

En clair, les juges ne sont pas « dupes » et vont au-delà des apparences pour vérifier si l’opération n’a pas été menée dans une volonté de contourner la législation sociale, qui vise, rappelons-le, à préserver l’emploi des salariés au moyen ici d’un plan de reclassement interne et externe. Rappelons d’ailleurs que la validité du PSE est appréciée au regard des moyens dont dispose l’UES (C. Trav., L.1235-10).

En l’occurrence, ce « jeu » peut s’avérer extrêmement risqué et coûteux quand on connait les conséquences attachées par exemple à la nullité de la procédure … les directions devront donc être très attentives à cela, surtout en période où les réorganisations vont bon train.

2°) Justement, le contexte économique étant malheureusement propice aux réductions d’effectifs, le recours aux plans de départs volontaire (PDV) s’est multiplié en pratique, permettant de réorganiser l’entreprise en réduisant le nombre de départs « subis » et donc le risque de conflit social ou de contentieux.

La question posée n’était pas tant de savoir si ces plans devaient être soumis aux procédures de licenciement collectif et notamment l’obligation d’établir un PSE (ce point étant évident), mais si un plan de reclassement était obligatoire, car il a ici moins de sens.

Sur ce point, un arrêt du 26 octobre 2010 est venu poser la règle suivante en deux temps :

  • L’employeur qui envisage de supprimer des emplois pour des raisons économiques par le biais d’accords de rupture amiable avec les salariés intéressés doit d’établir un plan PSE lorsque les conditions légales sont remplies ;
  • En revanche, si le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement, alors aucun plan de reclassement n’est nécessaire.

Cela a une logique dans la mesure où le PSE vise à éviter les licenciements ou en limiter le nombre, et où son « noyau dur », le plan de reclassement, vise quant à lui à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile.

La Cour de cassation ouvre néanmoins une brèche par rapport au Code du travail (qui se limite au cas où 100% des suppressions d’emplois envisagées passent par du volontariat, à l’exclusion de tout licenciement … si le nombre de volontaires ne permet pas d’atteindre l’objectif fixé, l’entreprise doit alors revoir sa copie).

Il est assez inhabituel que la jurisprudence fasse preuve de souplesse en la matière, ce qui donne à penser que les hauts magistrats ont souhaité, en réponse à la crise, faire preuve de pragmatisme et d’ouverture par rapport à l’ingéniérie développée au niveau des entreprises.

Affaire à suivre donc.



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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