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Droit du Sport
par Guillaume Dedieu

Remboursement des frais de sportifs salariés : il faut pouvoir justifier sous peine de sanction


 

Le versement à des salariés d’indemnités représentatives de frais (frais d’hébergement, de déplacement, de restauration…) en complément d’une rémunération, nécessite de remplir certaines conditions pour ne pas intégrer l’assiette des cotisations sociales et des charges alignées.

 

Ces conditions sont fixées par un arrêté en date du 20 décembre 2002 modifié relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale (NOR : SANS0224282A). Les frais professionnels s’entendent généralement « des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions ». Dans le cadre d’un remboursement de frais et sauf à ce que les sommes versées ne dépassent pas un montant déterminé (auquel cas les remboursements peuvent parfois être réputés utilisés conformément à leur objet), l’employeur doit être en mesure de  justifier de la réalité des frais engagés par le salarié.

 

A défaut de remplir cette condition (il en existe d’autres…), l’indemnité représentative de frais ne peut être déduite de l’assiette de cotisations. Deux conséquences peuvent dès lors survenir :

  • l’URSSAF peut, à l’issue d’un contrôle, procéder à un redressement de cotisations sociales sur le montant correspondant au remboursement de frais non-justifiés ;
  • le salarié peut également, de sa propre initiative, solliciter des juges qu’il condamne l’employeur à procéder à l’accomplissement des obligations déclaratives et au paiement des cotisations auprès des organismes de recouvrement de cotisations. L’intérêt pour le salarié est ici de bénéficier d’une couverture sociale supérieure.

 

C’est au sujet de cette deuxième situation que la Cour d’Appel de Douai (CA Douai 26 juillet 2013 RG 13/03145) a été amenée récemment à se prononcer concernant des sommes versées à un sportif.

 

En l’espèce, un club de handball avait conclu, avec un sportif, un contrat de travail à durée déterminée. Outre un salaire mensuel fixe de 1405 € net, le contrat de travail stipulait que « les frais engagés au titre des déplacements (repas, hôtel, transport…) que M. X. serait amené à effectuer pour l’accomplissement de ses fonctions seront remboursés sur la base des dépenses effectivement exposées, au vu des factures ou autres pièces justificative. En ce qui concerne l’utilisation de sa voiture personnelle, M. X sera remboursé sur la base de l’indemnité kilométrique forfaitaire de 1 € le kilomètre. M. X percevra mensuellement un montant forfaitaire de 895 €. La liquidation des frais de déplacements interviendra en fin de saison sportive ».

 

Le contrat rompu, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes territorialement compétent en vue d’obtenir notamment :

  • la délivrance de bulletins de salaire rectifiés en visant une rémunération nette de 2300 € et non 1405 € ;
  • la régularisation et le paiement des charges sociales par l’association employeur sur la base d’une rémunération nette de 2300 € ;
  • la reconnaissance d’une situation de travail dissimulé.

 

Concernant la demande de régularisation des bulletins de salaire, le salarié sollicitait que l’indemnité forfaitaire de 895 € soit intégrée dans l’assiette de cotisations sociales et charges alignées.

 

L’association sportive s’y opposait en soutenant que, conformément aux stipulations du contrat de travail, la somme de 895 euros correspondait à des frais professionnels et que, par conséquent, elle échappe à l’assiette de cotisations sociales.

 

Sur ce point, la Cour d’appel va accéder à la demande du salarié. Les magistrats précisent à ce titre qu’il n’était fait état, ni justifié par l’une ou l’autre des parties des frais professionnels engagés par le salarié. Autrement dit, aucun justificatif des éventuels frais engagés par le sportif n’était produit par l’association sportive ou le salarié. De même, la Cour constate que la somme de 895 € a été versée de manière fixe, tous les mois, indépendamment des frais réellement engagés par le salarié. Au regard de ces éléments, elle en conclut qu’il s’agit d’une rémunération, assujettie aux charges sociales.

 

L’association est en conséquence condamnée à accomplir les formalités (et donc le paiement des charges sociales) obligatoires auprès de l’URSSAF.

 

Concernant la demande au titre d’une situation de travail dissimulé, la Cour d’appel a rappelé qu’une telle infraction est caractérisée par le fait de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales (Article L.8221-5 du code du travail).

 

La question se posait donc ici de savoir si l’élément intentionnel, nécessaire à la reconnaissance d’une situation de travail dissimulé, était identifié par le recours non-justifié à une indemnité forfaitaire représentative de frais.

 

Sur ce deuxième point, la Cour va une nouvelle fois faire droit à la demande du salarié. Elle juge à cet effet qu’ « en omettant sciemment, sous couvert d’indemnités forfaitaires représentatives de frais professionnels, de déclarer aux organismes sociaux, partie de la rémunération versée au salarié, et ce alors même qu’un précédent redressement avait été opéré par l’URSSAF, motif pris de l’absence de justificatif, la cour considère que l’employeur a agi de manière intentionnelle et que l’infraction est constituée ».

 

Au final et si la pratique des indemnités représentatives de frais est répandue dans les activités sportives, il convient pour les employeurs d’en mesurer tous les enjeux, et notamment la nécessité de se procurer des justificatifs de frais engagés par le salarié pour le compte de l’association. Les risques financiers en la matière sont importants.



Guillaume Dedieu

Avocat associé, Paris

Après l'obtention de son Master 2, intègre plusieurs fédérations sportives pour intervenir sur les questions d'emploi, de ressources humaines et de relations sociales. Exerce en qualité d'avocat au sein du cabinet Ellipse Avocats depuis 2014 à Lyon puis à Paris. Devient associé du bureau parisien au 1er janvier 2020.

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Guillaume Dedieu
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