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Droit de la Protection Sociale
par Guillaume Dedieu

PLFSS 2016 – Une nouvelle contribution des employeurs à prévoir pour certains salariés dispensés de la complémentaire santé d’entreprise


Alors qu’un nombre très important d’entreprises sont actuellement sous tension face à l’entrée en vigueur au 1er janvier 2016 de la généralisation de la couverture complémentaire frais de santé (craintes inhérentes à une première mise en place, démarchages importants des opérateurs d’assurance, mise en conformité suite à des évolutions conventionnelles, attente de l’issue des négociations des branches…), le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 prévoit de corriger un pan important des cas autorisés de dispense.

Ce dispositif est présenté comme devant répondre aux attentes des personnes qui exercent une activité professionnelle à temps très partiel ou en contrat à durée déterminée de très courte durée, que ce soit auprès d’un seul ou de plusieurs employeurs.

En effet, des situations de dispense existent actuellement pour les CDD de courte durée ainsi que pour les salariés au faible volume horaire, résultant des dispositions de l’article R.242-1-6 du code de la sécurité sociale. Ces cas de dispense reposaient parfois sur la souscription par les salariés concernés, à titre individuel, d’une complémentaire santé. Ces contrats négociés individuellement sont toutefois jugés plus coûteux que les contrats collectifs.  De surcroît, ces  dispenses ne permettent pas au salarié concerné de bénéficier de la participation de l’employeur au financement du régime. Ce sont ces conséquences que le législateur souhaite corriger. Le salarié faisant le choix d’être dispensé doit, selon le législateur, pouvoir obtenir de la part de l’employeur un versement en rapport avec ce que ce dernier aurait versé s’il avait adhéré à la couverture collective de l’entreprise.

Les dernières lois de financement de la sécurité sociale étant généralement promulguées dans les dix derniers jours du mois de décembre, la modification envisagée au régime juridique des frais de santé est susceptible de créer de nouvelles confusions pour les entreprises. Et ce d’autant que la date du 1er janvier 2016 est extrêmement proche.

En pratique, le texte adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale a de très fortes probabilités de correspondre au texte final (le Sénat est dans l’opposition et ses modifications sont généralement peu suivies – les secondes lectures devant l’Assemblée Nationale ne donnent pas non-plus lieu à d’importantes modifications, l’intervention des commissions étant allégée).  Il convient donc dès à présent d’étudier les implications de ce nouveau texte et de s’y préparer.

L’article 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, adopté par l’Assemblée Nationale en première lecture, prévoit ainsi :

  • une modification de l’article L.911-7 du code de la sécurité sociale, comprenant l’ajout de deux nouveaux alinéas.

Le premier alinéa instaure une faculté légale pour les salariés, à leur seule initiative, d’être dispensé lorsque les conditions du nouvel article L.911-7-1 du code de la sécurité sociale  sont réunies (cf. infra).

Il ne s’agit pas ici d’une nouveauté en tant que tel puisque l’article R.242-1-6 du code de la sécurité sociale, auquel renvoie l’article D.911-2 du code de la sécurité sociale, précise déjà, pour l’ensemble des cas de dispense, qu’il s’agit d’un choix du salarié. Mais l’ajout d’une contribution à la charge de l’employeur en cas de demande de dispense d’un salarié dont la durée du contrat et/ou la quotité horaire est faible, ainsi que la définition de son régime social, a contraint le législateur à intégrer cette demande de dispense dans un texte législatif et non règlementaire. L’inscription de cette dispense à l’article L.911-7 du code de la sécurité sociale lui permet de surcroît d’être opposable aux employeurs et salariés en cas de contentieux prud’homal.

Le second alinéa renvoie à un décret la possibilité de fixer des catégories de salariés « pouvant être dispensés, à leur initiative, de l’obligation de couverture, eu égard au fait qu’ils disposent par ailleurs d’une couverture complémentaire ». Ce renvoi existe déjà dans la rédaction actuelle de l’article L.911-7 du code de la sécurité sociale. Le Décret n°2014-1025 du 8 septembre 2014, qui a créé l’article D.911-2 du code de la sécurité sociale à cet effet, dispose alors que la décision unilatérale de l’employeur instituant une couverture collective peut prévoir des situations de dispense d’adhésion, sous réserve que les catégories définies correspondent à tout ou partie de celles définies à l’article R. 242-1-6 du code de la sécurité.  La modification engendrée par l’article 22 du PLFSS 2016 est rédactionnelle. Le Décret ne pourra plus viser les dispenses d’affiliation liées à la nature ou aux caractéristiques de leur contrat de travail, celles-ci relevant dorénavant de l’article L.911-7-1 du code de la sécurité.

  • la création d’un nouvel article L.911-7-1 du code de la sécurité sociale.

Ce nouvel article a logiquement pour objet de créer une nouvelle organisation de la couverture complémentaire frais de santé pour les salariés dont la durée du contrat ou la durée du travail prévue par ce contrat est inférieure à certains seuils, avec droit à une participation de l’employeur.

Cette dispense sera de droit pour les salariés. Autrement dit, il ne sera pas nécessaire que l’acte fondateur du régime (accord de branche ou accord d’entreprise, ou à défaut décision unilatérale) le prévoit expressément.

Les seuils (durée du contrat et durée du travail) permettant de définir les salariés concernés seront fixés par Décret. Au regard de l’urgence, ce Décret devrait être publié à la suite immédiate de la promulgation de la loi. Il convient toutefois de noter que l’étude d’impact du PLFSS 2016 indiquait un possible seuil de 6 mois pour les CDD et de 24 heures hebdomadaires pour les salariés en contrat à temps partiel.

Lorsqu’ils seront dans le champ d’application de cet article, les salariés qui demanderont à être dispensés de la couverture d’entreprise auront droit, à leur demande, au versement par leur employeur d’une somme représentative du financement de la complémentaire frais de santé et de sa portabilité. Il s’agira toutefois pour le salarié de démontrer la souscription d’un contrat (individuel) d’assurance maladie complémentaire portant sur la période concernée

Un décret devra également intervenir pour déterminer les modalités selon lesquelles est fixé le montant de la participation de l’employeur. Néanmoins, ce financement ne pourra pas être cumulé avec le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) et avec l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS).

Il convient enfin de noter que le législateur prévoit d’autoriser, par un accord de branche ou par un accord d’entreprise, les partenaires sociaux à rendre obligatoire ce dispositif de dispense pour les salariés concernés. Autrement dit, la dispense ne nécessitera plus une demande préalable du salarié. Elle lui sera imposée. Il appartiendra cependant à l’accord collectif de fixer les seuils de durée du contrat (CDD) ou de durée du travail (temps partiel), dans la limite de plafonds fixés par décret.

Au final, ce sont donc plusieurs décrets d’application qui devront être pris pour définir les seuils du nouvel article L.911-7-1 du code de la sécurité sociale. Le V de l’article 22 du PLFSS 2016 précité précise de surcroît que ce nouveau dispositif entre en vigueur le 1er janvier 2016. Les délais extrêmement réduits entre l’adoption prévue de ce dispositif et la généralisation de la complémentaire santé demeurent annoncent toutefois une confusion certaine dans la mise en œuvre de ce dispositif.

 



Guillaume Dedieu

Avocat associé, Paris

Après l'obtention de son Master 2, intègre plusieurs fédérations sportives pour intervenir sur les questions d'emploi, de ressources humaines et de relations sociales. Exerce en qualité d'avocat au sein du cabinet Ellipse Avocats depuis 2014 à Lyon puis à Paris. Devient associé du bureau parisien au 1er janvier 2020.

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Sébastien Millet
dans Droit de la Protection Sociale
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