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Droit du Travail
par Sébastien Millet

L'open data des accords collectifs : quel niveau de transparence choisir pour les entreprises ?


Petite révolution passée inaperçue, la loi Travail a instauré le principe d’une mise en ligne systématique des conventions et accords collectifs de travail dans le cadre d’une nouvelle base de données nationale qui devrait être hébergée auprès du Ministère du travail.

Tout citoyen pourra ainsi bénéficier de cet open data, alors que jusqu’à présent, il est parfois difficile d’accéder aux textes conventionnels applicables dans les entreprises alors même qu’ils ont été déposés.

Cette transparence n’est toutefois pas absolue :

 

  1. Transparence intégrale ou publication partielle du contenu ?

 

la loi prévoit la possibilité pour les parties à une convention ou un accord collectif quel qu’en soit le niveau (branche, groupe, entreprise, etc.), d’acter leur volonté que le texte ne soit pas mis en ligne en intégralité (C. Trav., L2231-5-1).

Cela n’est pas censé faire partie de la négociation elle-même, puisque cet acte doit être convenu après conclusion de l’accord. Observons ici qu’en pratique, le thème de la confidentialité fera sans doute partie des discussions, car les entreprises peuvent y avoir intérêt dans certains cas, vis-à-vis du grand public (« toute personne intéressée« ).

Un décret n° 2017-752 du 3 mai 2017 (JORF du 5 mai 2017) relatif à la publicité des accords collectifs vient fixer les modalités d’application de ce dispositif, à compter du 1er septembre 2017 (cf. C. Trav., R2231-1-1 nouv.).

Au niveau de l’entreprise, l’acte de limitation de publicité devra obéir à un formalisme, à savoir :

  • d’une part, être signé par la majorité des organisations syndicales signataires et le représentant légal ;
  • d’autre part, indiquer les raisons pour lesquelles la convention ou l’accord ne doit pas faire l’objet d’une publication intégrale (le décret précise que cette motivation est sans incidence sur la légalité de la convention ou de l’accord).

Il n’est pas prévu que cette motivation soit diffusée ; en revanche, il sera indiqué que la publication est partielle.

(A noter : les conventions ou accords étendus seront toujours publiés dans une version intégrale.)

Attention donc : la possibilité de solliciter une publication non intégrale constitue une simple faculté pour les parties signataires ; à défaut, les conventions et accords déposés seront par principe publiés en intégralité.

Il ne sera en tout état de cause pas possible de solliciter une confidentialité intégrale, dès lors que l’accord est déposé.

 

2) De la transparence intégrale à l’anonymisation des négociateurs

 

A défaut de conclusion d’un tel acte, la publication interviendra donc en version intégrale, mais l’employeur ou une organisation signataire pourront demander l’anonymisation du texte (suppression des noms et prénoms des négociateurs et des signataires), lors du dépôt de l’accord par la partie la plus diligente.

Cette disposition –d’utilisation également facultative- doit permettre de préserver l’anonymat des négociateurs, si la situation le requiert.

A titre transitoire, le décret prévoit que pour les conventions et accords conclus entre le 1er septembre 2017 et le 1er octobre 2018, la publicité se fera dans une version anonymisée, sans mention des noms et prénoms des négociateurs et des signataires.

 

En résumé, cette « transparence sociale » des conventions et accords collectifs de travail devrait modifier la donne ainsi que les pratiques en matière de négociation collective, notamment sur le plan qualitatif et quantitatif (préambule de contexte, contenu rédactionnel, etc.).

Les entreprises devront s’interroger sur la nécessité de préserver la confidentialité sur telle ou telle disposition négociée. Celles qui le souhaitent pourront à l’inverse jouer la transparence et valoriser la qualité de leur dialogue social.

A terme, cette base de données devrait faire émerger des bonnes pratiques de négociation et en matière rédactionnelle qui orienteront les choix des pouvoirs publics, à l’heure où la place de la norme négociée est au coeur des débats sur la réforme du droit du travail.

Attention toutefois à la tentation du « copier-coller », car cette mise en ligne ne constituera aucune reconnaissance ou garantie de validité juridique du contenu des accords, et que la négociation collective nécessitera toujours une ingénierie juridique dans la mesure où elle vient structurer les engagements sociaux de l’entreprise en matière de statut collectif.



Sébastien Millet

Avocat associé, Bordeaux

J'ai une activité multiple (conseil juridique, défense au contentieux, formation, enseignement et publications), mais un leitmotiv : la transversalité des disciplines et le management des risques humains sous toutes ses formes, au service de l'entreprise. L'exercice est aussi exigeant que passionnant.

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