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Droit du Travail
par Jean-Michel Bernad

Avec les ordonnances Macron, quels instruments choisir pour quelles situations ?


Le message est clair ! La transformation du modèle économique et social voulue par les ordonnances amène toutes les branches, entreprises, managers, organisations syndicales, représentants du personnel et salariés à définir un nouvel équilibre. Avec le pari de la norme négociée, les différents acteurs sont invités à rechercher, dans chaque entreprise, les mesures les plus utiles et efficaces au regard de leurs activités et spécificités au bénéfice d’une performance économique partagée entre tous.

Que l’entreprise soit gérée depuis la France ou de l’étranger, son moteur reste cependant identique : réussir ses objectifs « business ». Ce sont les moyens pour y parvenir qui vont faire la différence, comme la transparence accordée dans la communication du projet d’entreprise et de ses conséquences pour l’emploi ou les modalités pour que chaque salarié puisse gérer, à temps, son devenir en interne ou vers l’externe.

Avec le plafonnement des indemnités prud’homales, on peut logiquement déduire que demain des demandes émanant de salariés aux prud’hommes soient déplacées de l’appréciation du motif de la rupture (indemnisation plafonnée) vers une appréciation des démarches de l’entreprise visant à garantir leur employabilité (a priori non plafonnée). Ce faisant c’est une obligation de moyens renforcée, voire de résultat, qui risque de peser fortement sur l’entreprise.

Allier l’économiquement possible et le socialement souhaitable

La possibilité offerte par les ordonnances de prévoir des ruptures déconnectées du licenciement économique ou hors motif économique, doit amener chacun des acteurs concernés à une prise de conscience partagée. Pour que ces ruptures se gèrent de la manière la plus apaisée possible, le moment venu, chacun se doit d’anticiper les mesures à négocier pour éviter des départs sans solution. Par exemple, l’identification de leurs savoir-être et de leurs aptitudes au changement aidera les salariés à s’intégrer plus efficacement et à s’épanouir au sein d’une équipe mais également, le cas échéant, à mieux se projeter dans un autre univers professionnel. L’employabilité reste le plus petit dénominateur commun entre toutes les situations au profit de tous les salariés. La valorisation des compétences issues des entretiens professionnels comme des entretiens de début/fin de mandat, et les formations suivies en sont
les vecteurs les plus visibles et les plus aisément quantifiables en cas de contentieux  (employabilité interne et/ou externe sur le bassin d’emploi).

Pour être davantage compétitive, l’entreprise a principalement trois possibilités : acquérir de nouvelles activités ou structures, se séparer d’une partie de ses activités devenues non stratégiques et/ou optimiser sa masse salariale. Pour éviter de subir des pertes de talents et des compétences clés au regard de la stratégie business, les acteurs de la négociation doivent identifier des principes « gagnant-gagnant » pour faire converger leur performance économique et leur performance sociale.

Les ordonnances donnent l’opportunité de négocier tous les instruments utiles pour assurer des lendemains plus souples, dans un dialogue social permettant « l’économiquement possible et le socialement souhaitable », avec, si nécessaire, des ruptures accompagnées de manière sérieuse et responsable.

Les instruments des ordonnances qui permettent d’agir à temps …

Tout d’abord, pour accompagner son changement de culture, le salarié pourra s’appuyer, dès lors qu’il appartient à une entreprise qui emploie au moins 5 000 personnes, sur le transfert temporaire auprès de startups de moins de 8 ans ou d’une PME via le prêt de salariés, avec une mise à disposition quasi gratuite. L’intérêt pour lui est simple : découvrir un autre cadre et mieux prendre conscience de ses propres compétences.

L’intérêt pour le grand groupe est de renforcer son écosystème ainsi que sa marque employeur, gérer les hauts potentiels en cultivant leur dynamique professionnelle et initier des occasions de mobilités volontaires externes sécurisées.

Pour l’entreprise qui emploie au moins 300 salariés, la nouvelle version du congé de mobilité est à intégrer dans leur accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, si leur ambition est de mieux gérer la mutation de leurs emplois en continu, le tout en dehors du champ du licenciement économique. Il permet à un salarié de s’inscrire volontairement dans une démarche de mobilité le plus en amont possible, pour changer de métier, s’essayer à une autre activité ou alterner des périodes d’accompagnement pour la réalisation d’un projet externe, de formation ou de travail. Cet instrument est, par exemple, une solution à proposer aux élus qui perdront leurs mandats lors du passage en comité social et économique (CSE), et
qui devront organiser un retour vers un emploi stable.

Dans toutes les entreprises où les acteurs partagent la volonté de mieux gérer les variations d’activités, en préservant ou en développant l’emploi, et ce hors champs du licenciement économique, deux instruments sont à privilégier voire à combiner :

  • « L’accord de compétitivité », version ordonnances, dont les stipulations se substitueront aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail sur trois points : l’aménagement de la rémunération, la durée du travail et les conditions de la mobilité interne. Le contenu de l’accord est laissé à la libre appréciation des partenaires sociaux. Les seules obligations sont de prévoir un préambule définissant les objectifs poursuivis qui doivent relever de l’amélioration du fonctionnement de l’entreprise, et de trouver des compromis avec des garanties au moins équivalentes aux mesures des branches. Si le salarié venait à refuser les conditions de l’accord, soit l’employeur pourra le maintenir dans les conditions contractuelles, soit il pourra procéder à son licenciement pour motif spécifique (décret à venir). Cet accord peut entre autres, initier une dynamique vertueuse en ouvrant des sujets autour de la transformation des métiers et ainsi amener chacune des parties à dépasser ses craintes, et mieux rentrer dans leur nouveau rôle.
  • « L’accord portant sur les ruptures conventionnelles collectives » dont l’objectif est avant tout de réguler des départs, chaque année, de manière souple et sans obligation de résultat. Néanmoins, nous pouvons déjà dire que pour éviter tout risque, il faudra prévoir des accompagnements différents de ceux réalisés lors d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou d’un outplacement, avec de véritables volontaires pouvant présenter des projets réalités et réalisables. De même, le nombre à inscrire dans l’accord devra être bien apprécié afin d’éviter, en cas de licenciements dans l’intervalle, si l’objectif de suppressions des postes prévus par l’accord n’était pas atteint, d’un risque de refus par la Direccte pour détournement de procédure.

La construction des fondations d’une structure socialement responsable, c’est l’ambition que doivent se donner les acteurs de la négociation pour garder mobilisées l’ensemble des forces de l’entreprise, décliner les actions prévues pour répondre aux situations de chacun, et se focaliser sur un accompagnement renforcé des plus fragilisés. Cette démarche est également le substrat indispensable à un modèle pérenne de développement économique.

Les ordonnances donnent aux entreprises, un cadre désormais adapté ainsi que des outils opérationnels, pour optimiser l’innovation sociale, minimiser les risques liés à la soudaineté d’une annonce de restructuration et faire en sorte que le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ne soit véritablement utilisé qu’en dernier recours.

Si le partage des « orientations stratégiques et du projet d’entreprise » a bien été mené lors des
consultations, chacun devra demain être encore mieux préparé afin d’éviter que l’événement subi, du fait d’une situation économique, ne créé des tensions qui auraient pu être évitées par un dialogue social anticipé.

Il faut donner aux représentants du personnel comme à l’ensemble des salariés, les moyens de préparer efficacement le développement de leur carrière professionnelle à l’interne comme en externe. Un travail de pédagogie autour des ordonnances est à déployer auprès des différentes parties prenantes, sans oublier l’indispensable travail de communication sociale à mener pour que personne ne soit pris au dépourvu. Car l’individu se retrouve à la fin souvent seul, face aux transformations de son entreprise, pour maintenir son emploi, son employabilité et gérer son devenir. Il doit comprendre que dorénavant, il est en capacité de mieux se faire entendre pour agir à temps.


Jean-Michel Bernad

Avocat, Marseille

Trois expériences professionnelles au service des directions et des DRH :

  • Inspecteur du travail puis directeur du travail, en charge de l’emploi et de la formation professionnelle en Moselle puis en Guyane
  • DGA du Groupe SNEF, membre du COMEX, en charge des Ressources Humaines et des Relations Sociales
  • Avocat Associé, conseil en droit social et expert en relations sociales au sein du réseau Ellipse Avocats
 

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