par Arnaud Pilloix
Régime social des indemnités transactionnelles : risque de redressement en cas de mauvaise rédaction
Revirement, changement de paradigme, telles sont les expressions utilisées à l’égard de la nouvelle position de la Cour de cassation en matière de régime social des indemnités transactionnelles.
Rappelons que la transaction est la convention qui a pour objet de mettre fin, par des concessions réciproques notamment monétaires, à toute contestation née ou à naître résultant de la rupture de ce contrat (Soc, 29 mai 1996, n°92-45115).
Par plusieurs arrêts du 21 juin 2018, la Cour de cassation a manifestement modifié sa position.
Dans les trois espèces, l’URSSAF avait notifié un redressement en réintégrant dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale les indemnités transactionnelles (2e civ, 21 juin 2018, n°17-19733, n°17-19432 (licenciement pour faute grave), n°17-19671 (licenciement pour motif économique – PSE)).
· Le temps passé de l’exonération plafonnée
Pendant des années, le régime social et fiscal des indemnités transactionnelles était « relativement » stable.
Le régime social de l’indemnité transactionnelle était aligné sur celui de l’indemnité de licenciement sur le fondement de l’article L. 242-1 alinéa 12 du Code de la sécurité sociale et de l’article 80 duodecies du Code général des impôts.
Schématiquement, la part du montant cumulé des sommes versées lors de la rupture du contrat de travail qui se retrouvait exclue de l’assiette de l’impôt sur le revenu était par ricochet exonérée de cotisations sociales à concurrence de 2 PASS.
Par conséquent, régime social et régime fiscal étaient connectés.
· Le temps présent de l’exonération encadrée
Le 21 juin 2018, la Cour de cassation vient confirmer un arrêt rendu le 15 mars 2018 dans lequel elle jugeait que :
« les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, à moins que l’employeur rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice ».
Désormais, l’exonération est subordonnée à la preuve rapportée par l’employeur que l’indemnité transactionnelle participe à l’indemnisation d’un préjudice subi par le salarié, peu important les plafonds annuels de sécurité sociale.
En définitive, si l’employeur prouve que l’indemnité transactionnelle a un caractère indemnitaire, celle-ci sera exonérée de cotisations sociales. En l’absence d’une telle démonstration, l’indemnité sera intégralement soumise à cotisations sociales.
· Le temps nécessaire d’une rédaction attentionnée
En raison des conséquences de la nouvelle position de la Cour de cassation, les employeurs devront apporter une attention toute particulière à la rédaction du protocole transactionnel.
En effet, il devient nécessaire d’identifier les chefs de préjudice que l’indemnité transactionnelle a vocation à réparer.
Dans la deuxième affaire (n°17-19773), l’employeur a bien prouvé le caractère indemnitaire grâce aux termes clairs, précis et dénués d’ambiguïté de la transaction :
– L’employeur n’entendait pas renoncer à se prévaloir de la faute grave ;
– La faute grave était la cause du licenciement ;
– Aucun préavis n’avait été effectué, et aucune indemnité de préavis n’était comprise dans l’indemnité transactionnelle, laquelle ne comportait d’ailleurs aucun autre élément soumis à cotisation.
En revanche, si la transaction ne mentionne pas la nature des préjudices compensés par l’indemnité transactionnelle, l’employeur s’expose à un redressement (n° 17-19671).
Enfin, régime social et régime fiscal ne sont plus en phase, ce qui contrarie la recommandation de la Cour des comptes plaidant pour une harmonisation.
Si la rigueur juridique est retrouvée, les indemnités transactionnelles n’étant pas mentionnées dans l’article 80 duodecies du CGI, la sécurité juridique serait quant à elle déstabilisée.
La prudence sera donc de mise dans la mesure où le juge contrôlera tant l’existence que l’évaluation du préjudice.
Arnaud PILLOIX, assisté de Manon PASSETTE
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