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Droit de la Protection Sociale
par Guillaume Ciancia

#CORONAVIRUS – Procédure de contrôle URSSAF : Dans quelles mesures les délais de procédure sont-ils prorogés ?


Habilité par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie de COVID-19, dès le 25 mars 2020, le gouvernement adoptait pas moins de 25 ordonnances afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19.

Parmi ces premières mesures, figurait la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire par ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.

Ces dispositions peuvent avoir de nombreuses conséquences sur les procédures URSSAF en cours.

  1. Prorogation de la période contradictoire.

Dans le cadre d’un contrôle et à la suite de l’envoi d’une lettre d’observations, le cotisant bénéficie d’une période d’échange et de dialogue avec l’agent de contrôlée pour discuter de ses observations. (Article L243-7-1A du Code de la Sécurité sociale)

Ce moment d’échange appelée « période contradictoire » est ouvert pendant un délai de 30 jours à compter de la réception de la lettre d’observations, lequel peut être prolongé à la demande du cotisant avant l’expiration du délai initial. (Article R243-59 du Code de la Sécurité sociale)

Au regard des dispositions de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 sur la prorogation des délais pendant la période contradictoire, ce délai devrait être prorogé s’il expire entre le 12 mars 2020 et la fin de la période d’urgence sanitaire initialement fixée au 24 mai 2020.

A noter que la fin de l’état d’urgence sanitaire peut être décrétée avant son terme légal ou localement.

En effet, le champ d’application de l’ordonnance, et plus précisément de son article 2 est particulièrement large. Il concerne :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »

Ainsi, dans l’hypothèse où un cotisant n’aurait pu faire état de ses observations dans le délai qui lui était initialement imparti expirant au cours de la période d’urgence sanitaire, il pourrait opposer à l’URSSAF une prorogation. Le délai ne recommencerait en effet à courir qu’à compter du 24 juin 2020 (soit 1 mois après la fin de la période d’urgence sanitaire).

Si cet argument pourrait être utilement invoqué, en l’absence de position claire sur ce point de la part de URSSAF ou des juridictions, il est néanmoins préférable de ne pas laisser courir le délai initial pour s’assurer le bénéfice de la période contradictoire.

  1. Prorogation du délai de saisine de la Commission de recours amiable.

A l’issue d’un contrôle, lorsque l’inspecteur conclut à un redressement de cotisations et contributions sociales, l’URSSAF adresse une mise en demeure de régulariser ces sommes.

La notification de cette mise en demeure ouvre un délai de 2 mois accordé au cotisant pour contester le redressement devant la Commission de recours amiable. (Article R142-1 du Code de la Sécurité sociale)

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 (article 2) proroge également ce délai lorsqu’il expire pendant la période d’urgence sanitaire. En effet, bien que la Commission de recours amiable ne soit pas une juridiction, sa saisine étant un préalable obligatoire à toute action devant le Tribunal judiciaire, le délai imparti devrait entrer dans le champ d’application de l’ordonnance.

Ainsi, dans l’hypothèse où un cotisant n’aurait pu saisir la Commission de recours amiable dans le délai qui lui était initialement imparti, il pourrait opposer à l’URSSAF une prorogation de ce délai qui ne recommencera à courir qu’à compter du 24 juin 2020 (soit 1 mois après la fin de la période d’urgence sanitaire).

Ici encore, sans position claire de l’organisme ou du Tribunal, il est conseillé de saisir la Commission de recours amiable dans les délais imparti et conserver cet argument en derniers recours lorsque le délai n’a pu être respecté.

L’enjeu est particulièrement important puisque la saisine de la Commission de recours amiable est un préalable obligatoire à tout recours devant le Pôle social du Tribunal Judiciaire.

  1. Prorogation du délai à l’issu duquel la Commission de recours amiable est réputée avoir rendu une décision implicite de rejet.

Une fois valablement saisie par un cotisant, la Commission de recours amiable doit se prononcer dans un délai de deux mois à l’issu duquel elle est réputée avoir rendu une décision implicite de rejet qui peut alors être contestée devant le Pôle social du Tribunal judiciaire. (Articles R142-1-A et R142-6 du Code de la Sécurité sociale)

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 (article 7) suspend ce délai lorsqu’il expire pendant la période d’urgence sanitaire. Elle prévoit également le report du point de départ de ce délai jusqu’à l’achèvement de cette période.

Dès lors, en cas de saisine du Pôle social du Tribunal judiciaire en contestation d’une décision considérée implicitement rejetée au cours de la période d’urgence sanitaire par un cotisant, l’URSSAF pourrait utilement relever son irrecevabilité.

A noter que l’article 2 de l’ordonnance proroge les délais de « tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit ». A notre sens, cette précision ne semble pas pouvoir proroger le délai d’un mois imparti au cotisant pour procéder au règlement des cotisations et contributions sociales mises à sa charge dans le courrier de mise en demeure, s’agissant du recouvrement d’une créance. (Article L244-2 du Code de la Sécurité sociale)

Pour autant, cet article pourra être opportunément soulevé dans le cadre d’une opposition à une contrainte signifiée au terme de ce délai lorsqu’il a expiré pendant la période d’urgence sanitaire. (Article R133-3 du Code de la Sécurité sociale)

  1. Prorogation des délais d’action devant le Pôle social du tribunal judiciaire.

Le cotisant peut saisir le Pôle social du Tribunal judiciaire dans un délai de 2 mois à compter de la notification d’une décision de rejet de son recours par la Commission de recours amiable, ou à la suite d’une décision implicite de rejet. (Article R142-1-A du Code de la Sécurité sociale)

Au regard des dispositions de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 (article 2) portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire, ce délai d’action est prorogé lorsqu’il expire au cours de la période d’urgence sanitaire.

Ainsi, les délais de recours contre les décisions (implicites ou explicites) de rejet de la Commission de recours amiable de l’URSSAF qui expirent au cours de la période d’urgence sanitaire pourront être exercés dans un délai de deux mois à compter du 24 juin 2020, soit (selon les dispositions actuelles) jusqu’au 24 aout 2020.

Il en est de même des délais de recours contre les contraintes signifiées par l’URSSAF qui pourront être exercés dans un délai de 15 jours à compter du 24 juin 2020, soit jusqu’au 9 juillet 2020.

Une fois encore, il est préférable de se prémunir contre tout difficulté et agir dans les délais initialement impartis pour n’invoquer ces dispositions qu’en derniers recours. D’autant qu’il peut être envisagé que des dispositions particulières soient prises dans les prochains jours.



Guillaume Ciancia

Avocat, Bordeaux

Après un stage réussi à la fin de ma formation à l'école des avocats, j'ai intégré l'équipe ELLIPSE AVOCATS en janvier 2019. Fort de mon expérience et ma formation, j'interviens auprès des clients pour les assister dans leurs dossiers conseil et contentieux en droit du travail et de la protection sociale.

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