par Sébastien Millet
Un nouveau statut de citoyen sauveteur, pour favoriser les premiers secours
Un nouveau statut de « citoyen sauveteur » est créé par la loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 vient d’être publiée (JORF du 4 juillet 2020).
A la règle générale selon laquelle « I. Toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile. En fonction des situations auxquelles elle est confrontée et dans la mesure de ses possibilités, elle veille à prévenir les services de secours et à prendre les premières dispositions nécessaires » (CSI, L721-1), la loi vient ajouter désormais que :
« II. – Quiconque porte assistance de manière bénévole à une personne en situation apparente de péril grave et imminent est un citoyen sauveteur et bénéficie de la qualité de collaborateur occasionnel du service public.
Le citoyen sauveteur effectue, jusqu’à l’arrivée des services de secours, les gestes de premiers secours par, le cas échéant, la mise en œuvre de compressions thoraciques, associées ou non à l’utilisation d’un défibrillateur automatisé externe.
Les diligences normales mentionnées au troisième alinéa de l’article 121-3 du code pénal s’apprécient, pour le citoyen sauveteur, au regard notamment de l’urgence dans laquelle il intervient ainsi que des informations dont il dispose au moment de son intervention.
Lorsqu’il résulte un préjudice du fait de son intervention, le citoyen sauveteur est exonéré de toute responsabilité civile, sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle de sa part. »
Nota : afin de favoriser cela, la loi prévoit également des mesures pour mieux sensibiliser les citoyens aux gestes qui sauvent (cf. précédent arrêté du 30 juin 2017) et renforcer les formations aux gestes de premiers secours (sachant que les premières minutes sont toujours cruciales), outre des dispositions relatives aux défibrillateurs cardiaques.
1) Les critères requis pour être qualifié de citoyen sauveteur :
Une double condition cumulative est posée :
- Une situation « apparente » de péril grave et imminent (ce qui fait d’une certaine manière écho avec les règles d’appréciation du droit de retrait en entreprise pour lequel le salarié doit avoir un « motif raisonnable » de penser qu’il fait face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, sauf qu’ici, il s’agit de celle d’un tiers) ;
- Le fait de porter assistance à la personne concernée, de manière bénévole.
2) L’octroi du statut de collaborateur occasionnel du service public
Dans ces conditions, le citoyen sauveteur bénéficiera de plein droit du statut de collaborateur occasionnel du service public, du fait de sa participation active et effective aux premiers secours.
Cela n’est pas subordonné à une demande d’intervention préalable de l’administration, l’idée étant de favoriser les actions volontaires désintéressées.
En revanche, la jurisprudence administrative reconnaît traditionnellement que le collaborateur occasionnel du service public peut se faire indemniser par l’Etat s’il subi un préjudice du fait de son intervention (cf. régime de responsabilité sans faute où seule la preuve du lien de causalité avec l’intervention est requise).
3) Le régime de responsabilité du citoyen sauveteur
En matière pénale, les règles applicables à la responsabilité des personnes physiques en cas de mise en danger ou de blessures ou homicide involontaire par faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, sont aménagées.
Ainsi, la juridiction pénale devra rechercher si le citoyen sauveteur n’a pas accompli les diligences normales compte tenu non seulement de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait (critères classiques – C. Pén., art. 121-3 al. 3), mais au regard notamment de l’urgence dans laquelle il intervient ainsi que des informations dont il dispose au moment de son intervention.
A noter que le législateur a mis en œuvre cette exigence d’approche in concreto également dans le cadre de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire (« L’article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur » – CSP, L3136-2, voir précédent article).
A noter par ailleurs que la jurisprudence administrative a étendu au collaborateur occasionnel du service public la protection fonctionnelle (cf. CE 13 janvier 2017, n° 386799 : « Il résulte d’un principe général du droit que, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle, et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet. Ce principe général du droit s’étend à toute personne à laquelle la qualité de collaborateur occasionnel du service public est reconnue« ).
Sur le plan de la responsabilité civile, il peut être fréquent en pratique que la victime secourue ou un tiers puisse subir un dommage à l’occasion des secours (ex : mauvais gestes de premier secours venant suraggraver les lésions).
Dans le silence ici de la loi, la jurisprudence administrative retient généralement la responsabilité de l’Etat en cas de dommage causé par l’intervention du collaborateur occasionnel du service public, assimilé alors à une faute de service comme pour un agent public (sauf pour l’administration à prouver une faute personnelle détachable du service).
4) Quelle articulation avec le statut de salarié ?
Ce statut de citoyen sauveteur est distinct de la fonction de sauveteur secouriste du travail en entreprise. Rappelons qu’un SST est spécialement formé et désigné par l’employeur (cf. C. Trav., R4224-15 : « Un membre du personnel reçoit la formation de secouriste nécessaire pour donner les premiers secours en cas d’urgence dans :
1° Chaque atelier où sont accomplis des travaux dangereux ;
2° Chaque chantier employant vingt travailleurs au moins pendant plus de quinze jours où sont réalisés des travaux dangereux. (…) »).
La loi vient ici simplement prévoir que « les salariés bénéficient d’une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent préalablement à leur départ à la retraite » (C. Trav., L1237-9-1 nouveau, à préciser par décret).
Si le statut de citoyen sauveteur concerne comme son nom l’indique tous les citoyens, il n’est pas exclu qu’il puisse s’appliquer de manière subsidiaire à un salarié dans le cadre de l’exécution de son travail (cf. en ce sens : Conseil d’État, 12 octobre 2009 n° 297075 : «Considérant que le collaborateur occasionnel du service public, par ailleurs titulaire d’un contrat de travail, lorsqu’il est victime à l’occasion de sa collaboration d’un accident susceptible d’ouvrir droit à réparation en application du régime de couverture des risques professionnels dont il bénéficie, a droit, et le cas échéant ses ayants cause, à être indemnisé, par la collectivité publique ayant bénéficié de son concours, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d’agrément ainsi que du préjudice économique résultant de l’accident, dans la mesure où ces préjudices n’ont pas été réparés par son employeur ou par son régime de couverture des risques professionnels (…) »).
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