par Guillaume Ciancia
La Cour de cassation ouvre aux cotisants une seconde chance de contester un redressement URSSAF
Dans le cadre de deux arrêts du 22 septembre 2022 (Cass. 2e civ., 22 sept. 2022, n° 21-11.862 et n° 21-10.105), la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation a opéré un revirement important de sa jurisprudence. Un revirement qui réjouira les cotisants qui n’ont pas contesté une mise en demeure de l’URSSAF et reçoivent par huissier une contrainte pour le recouvrement forcé d’une dette présumée.
En effet, la Cour de cassation admet la possibilité pour les cotisants de contester le bien-fondé d’un redressement dans le cadre d’une opposition à contrainte déposée auprès du Tribunal, y compris lorsqu’ils n’ont pas préalablement formé de recours à l’encontre de la mise en demeure notifiée par l’URSSAF après clôture du contrôle.
Contexte de la décision
Dans les affaires soumises à la Cour de cassation, les cotisants avaient reçu de la part de l’URSSAF des mises en demeure de payer les cotisations et majorations de retard mises à leur charge. La réception de ces mises en demeure faisait courir deux délais distincts :
- Le premier, d’une durée d’un mois, au cours duquel les cotisants étaient invités à régler les sommes appelées. A défaut, l’URSSAF peut adresser aux cotisants une contrainte signifiée par huissier, consistant dans le recouvrement forcé des sommes appelées. (Article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale)
- Le second, d’une durée de deux mois, au cours duquel les cotisants peuvent saisir la commission de recours amiable (CRA) afin de contester le bien-fondé de la mise en demeure et du redressement qui en est éventuellement le fondement ; (Article R. 142-1 du Code de la sécurité sociale)
NB : Précisons que la saisine de la CRA ne prive pas l’URSSAF de la possibilité de solliciter le recouvrement forcé des mises en demeure à l’issue du délai d’un mois imparti au cotisant pour régler les cotisations et majorations de retard sollicitées. Cependant, la jurisprudence antérieure aux arrêts commentés imposait une saisine de la CRA pour contester la demande de régularisation des cotisations sur le fond (cf Infra).
Or, en l’espèce, les cotisants n’avaient ni régularisé les mises en demeure, ni saisi la commission de recours amiable pour les contester. L’organisme leur avoir alors délivré une contrainte signifiée par huissier à réception de laquelle les cotisants avaient régulièrement formé une opposition à la contrainte devant le Tribunal, dans le bref délai de 15 jours qui leur était imparti. (R. 133-3 du Code de la sécurité sociale)
Décision de la Cour de cassation
Devant la Cour d’appel de Versailles, les oppositions à contraintes formées par les cotisants avaient été déclarées irrecevables. Conformément à la jurisprudence de principe de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation, la Cour d’appel considérait en effet qu’en l’absence de saisine de la Commission de recours amiable, les cotisants ne pouvaient plus contester le bien-fondé du redressement dans le cadre de leurs oppositions à contrainte. En d’autres termes, la jurisprudence de la Cour de cassation imposait aux cotisants de saisir la CRA dans le délai de deux mois qui leur était imparti, à défaut, les sommes appelées devenaient définitives.
Cette interprétation des textes par la Cour de cassation était néanmoins critiquée. Une partie de la doctrine, suivie par certaines juridictions du fond, estimait en effet qu’elle contrevenait au droit à un recours effectif devant une juridiction.
Prenant en considération ces critiques, la Cour de cassation a accepté de réexaminer sa position. Afin d’ouvrir au cotisant qui n’a pas contesté la mise en demeure l’accès à un juge, dans les arrêts commentés, la haute Cour accorde aux cotisants la possibilité de faire valoir des arguments en contestation du bien-fondé de la mise en demeure (et du redressement) aux fondements d’une opposition à la contrainte formée sans saisine préalable de la CRA.
Ce revirement constitue un infléchissement appréciable de la Cour de cassation en faveur des droits des cotisants. Cette position de la Cour de cassation devrait en effet offrir à certains cotisants une seconde chance de faire valoir leurs arguments à l’encontre d’une mise en demeure qui leur a été notifiée (notamment à la suite d’un redressement).
Toutefois en pratique, mieux vaut suivre le schéma de procédure normal et ne pas considérer ce « filet de sécurité » comme la voie à suivre en priorité, compte tenu du particularisme du régime de l’opposition à contrainte …
Attention par contre ! La Cour de cassation pose une réserve importante : cette tolérance ne s’applique pas si, après avoir saisi la CRA et vu son recours amiable rejeté, le cotisant omet d’engager un recours judiciaire devant le Pôle social du Tribunal judiciaire. Dans ce cas, passé le délai de 2 mois, il ne sera plus possible de contester le bien-fondé du redressement en cas d’opposition à contrainte ultérieure. Dit autrement, le rejet du recours amiable ouvre droit à un recours juridictionnel effectif (à condition d’en être bien informé que qui fait l’objet de clauses types), en sorte que celui-ci ne peut pas être exercé hors délai dans le cadre d’une opposition à contrainte.
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