Nullité d’une rupture conventionnelle pour dol du fait du salarié

La rupture conventionnelle créée par la loi du 25 juin 2008 connait depuis son origine un succès qui ne se dément pas en permettant de rompre amiablement une relation professionnelle.

Si aucun motif n’est nécessaire pour conclure une rupture conventionnelle, celle-ci peut être annulée si un vice du consentement est constaté, ce qui est plutôt rare en pratique. Les vices du consentement sont définis par le code civil à l’article 1130 – l’erreur, le dol et la violence – étant de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté.

La Cour de cassation a eu à se prononcer récemment dans le cas d’un salarié ayant invoqué auprès de son employeur une reconversion professionnelle, sans lui révéler le détail de son projet de création d’activité.

En définitive, il s’avère que ce salarié a en réalité créé une entreprise dans le même secteur d’activité, et même en concurrence directe, en participant aux actes préparatoires avec ses associés, eux-mêmes d’anciens salariés.

Pour tenter de justifier son acte, le salarié soutient qu’il n’était pas tenu par une clause de non-concurrence et que le fait d’avoir omis de présenter son projet ne pouvait lui être reproché au sens des dispositions du code civil selon lequel constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Ce raisonnement n’a pas convaincu la Cour d’appel qui a relevé que l’employeur s’était déterminé au regard du seul souhait de reconversion professionnelle invoqué par le salarié.

Les juges du fond ont ainsi considéré que le salarié avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur afin d’obtenir le consentement pour conclure la rupture conventionnelle.

Néanmoins, il faut nuancer, car cette analyse ne signifie pas pour autant qu’une obligation d’information contractuelle pèse sur le salarié, au risque de porter atteinte à sa liberté d’entreprendre.

Dans ce cas, ce qui semble avoir influé sur la décision est le fait que le salarié ait agi en qualité d’associé d’une société concurrente, créée elle-même spécifiquement à l’occasion de ce projet de reconversion. 

La dissimulation du projet et de l’identité des associés au moment de la conclusion constitue bel et bien un dol dans la mesure où cette situation implique un rôle direct et actif de l’ex-salarié qui ne contente pas d’être embauché par une société concurrente.

A l’occasion de cette affaire, la Cour de cassation précise que, en cas d’annulation d’une rupture conventionnelle pour vice du consentement aux dépens de l’employeur, la rupture doit produire les effets d’une démission.

Par conséquent, le salarié doit à la fois rembourser à l’employeur l’indemnité de rupture qu’il a reçu, mais également lui verser une indemnité compensatrice au titre du préavis de démission non effectué.

Le coût substantiel d’une telle annulation devrait amener les salariés à davantage de prudence sur les motivations réelles de leur départ, pour ne pas vicier le consentement, voire agir de manière déloyale vis-à-vis de leur ancien employeur, au point de remettre en question la nature de la rupture, et donc potentiellement la prise en charge par l’assurance chômage.

Cass. Soc. 18 juin 2024, n°23-10.817

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