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Droit du Travail
par Arnaud Pilloix

Harcèlement moral et rôle de l'employeur


Le « harcèlement moral » est devenu une expression d’un usage courant.

On pourrait légitimement penser qu’il s’agit d’un concept ancien de droit français consacré de longue date par le législateur.

Il n’en est rien !

Il a fallu attendre une loi de 2002 pour que le Code du travail mentionne et définisse le « harcèlement moral », définition à l’origine d’une abondante jurisprudence pour en préciser les contours.

Ce n’est pas pour autant que les abus n’étaient pas sanctionnés par la jurisprudence antérieure au visa des grands principes civilistes, comme l’exécution de bonne foi du contrat.

Le harcèlement moral n’est pas facilement conceptualisable ou définissable puisqu’il « s’inscrit dans un processus dynamique constitué de différents types d’agissements qui se développent dans le temps » pour reprendre les mots d’une psychiatre – Dr Marie France HIRIGOYEN-.

La harcèlement implique donc cette recherche factuelle pragmatique à l’origine d’une dégradation de la relation de travail s’inscrivant dans la durée.

La définition posée par l’article L.1152-1 du Code du travail n’est pas satisfaisante en raison de la difficulté de fournir un inventaire à la Prévert des agissements répétés répréhensibles: «  Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

En focalisant sur les conséquences et non sur les causes à l’origine (c’est-à-dire les agissements répétés), le Juge navigue bien souvent à vue.

D’autant que cette matière est particulièrement subjective. Cette subjectivité s’illustre par deux paramètres :

–          D’une part, la perception du salarié : deux salariés placés dans la même situation (ou bien le même salarié à deux moments de sa vie) ne percevront pas de la même manière un acte de l’employeur, par exemple un ordre pour effectuer une mission en urgence. L’un considérera qu’il s’agit du pouvoir de direction de son employeur, alors que le second considérera être victime d’un harcèlement…;

–          D’autre part, le harcèlement conduit (souvent) le salarié à un état dépressif. Le harcèlement peut être une des causes (peut-être parmi d’autres en raison d’une vie familiale instable…) à l’origine d’un mal-être ou de l’état dépressif du salarié. L’employeur n’est pas systématiquement le seul responsable de tous les maux d’un salarié. L’origine plurifactorielle de cette pathologie (particulièrement répandue en France comme en témoigne la consommation d’antidépresseurs)  explique notamment la non-inscription de celle-ci dans les tableaux des maladies professionnelles.

L’essentiel du débat judiciaire réside souvent dans la preuve du lien entre le travail et le mal-être.

Pendant de nombreuses années, la Cour de cassation renvoyait aux Juges du fond l’appréciation factuelle sans exercer de contrôle, engendrant une jurisprudence « fouillie », mais qui correspondait bien à ce contentieux !

La Cour de cassation a finalement « repris la main » et l’évolution récente de la jurisprudence tend vers un durcissement à l’encontre de l’employeur:

– l’employeur non-fautif est responsable des agissements de harcèlement d’un salarié à l’encontre d’un autre salarié (Cass. Soc. 21 juin 2006) ;

– l’employeur est responsable s’il n’a pas empêché  la survenance du risque, peu importe les mesures prises postérieurement (Cass. Soc. 3 février 2010), peu importe l’absence d’intention malveillante (Cass. Soc. 10 novembre 2009) ;

– des méthodes de gestion peuvent mêmes caractériser un harcèlement moral (Cass. Soc. 10 novembre 2009) ;

L’émergence des risques psychosociaux (ou à tout le moins leur médiatisation accrue) engendre pour l’employeur une plus grande responsabilité, risque d’insécurité.

Finalement, la chambre sociale semble durcir sa position à l’encontre des employeurs, l’idée étant par des  sanctions « exemplaires » d’inciter à une prévention effective.

Une fois que le « mal est fait », point de recours pour l’employeur ! Il est donc impératif d’avoir une politique RH proactive sur cette problématique et de mettre en place des solutions en amont pour prévenir ce risque.

La solution pourrait venir de l’ANI sur le harcèlement et la violence au travail signé par les partenaires sociaux et applicable obligatoirement depuis le 23 juillet 2010 : https://www.ellipse-avocats.com/avocats-bordeaux/extension-de-lani-sur-le-harcelement-et-la-violence-au-travail/.



Arnaud Pilloix

Avocat associé, Bordeaux

Passionné par ce métier captivant et soucieux d'apporter aux clients une approche innovante, nous avons créé le cabinet ELLIPSE AVOCATS en 2010 avec Arnaud RIMBERT et Sébastien MILLET. Conseiller au quotidien les dirigeants et DRH avec une équipe dynamique & disponible dans un cadre de travail confortable et bienveillant. Cette philosophie guide nos choix au quotidien pour apporter des solutions pragmatiques. A titre plus personnel, après un parcours universitaire en France et en Angleterre tourné vers le droit des affaires, c'est en droit du travail et des relations sociales que j'ai toujours exercé la profession d'avocat, ce qui me permet de plaider, d'auditer, de restructurer et de conseiller au quotidien nos clients. Cette diversité permet d'assouvir ma curiosité et de croiser chaque jour des profils, des domaines d'activité et des projets multiples et variés pour toujours se renouveler, et surtout ne jamais avoir de certitude. Et enfin et surtout des moments de déconnexion indispensables pour trouver l'équilibre, sur une planche de surf et dans ma vie de famille.

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