par Arnaud Pilloix
Joueurs amateurs défrayés par le Club : contrat de travail ?
Dans le secteur du sport amateur, il est fréquent que les Clubs versent des sommes d’argent aux joueurs pour des remboursements de frais forfaitaires, la prise en charge totale ou partielle du logement ou encore des primes de match.
La qualification juridique de la relation contractuelle est importante puisque si le Juge requalifie la relation entre le joueur amateur et le Club en contrat de travail, alors les sommes versées ont la nature juridique de salaire et entrent à ce titre dans l’assiette des cotisations sociales d’une part, et sont imposables à l’IRPP pour le joueur d’autre part.
Au surplus, étant lié par un contrat de travail non formalisé, la fin de la relation contractuelle doit respecter les règles de forme et de fond prévues pour la rupture d’un CDI par le Code du travail, à défaut la rupture est irrégulière et infondée, ce qui peut générer le versement de dommages et intérêts.
Cette question a récemment été posée à la chambre sociale de la Cour de cassation.
Dans ce cas d’espèce, pour la saison 2006/2007, un joueur avait conclu avec l’association Marseille Provence XV, devenue Marseille Vitrolles Rugby, une convention prévoyant sa participation en qualité de joueur de rugby aux entraînements et aux rencontres sportives ainsi que le versement d’un défraiement annuel de 18.000 euros, outre une participation aux frais de logement d’un montant mensuel de 1.000 euros et des primes de matches
Les Juges du fond ont considéré les parties étaient liées par un contrat de travail.
Le Club a formé un pourvoi en cassation, considérant que la convention et le règlement du club ne sauraient caractériser, à eux seuls, l’existence d’un lien de subordination dans la mesure où ces consignes sont inhérentes à la pratique du rugby et entrent uniquement dans le cadre d’un simple rapport d’autorité sportif, indispensable à la poursuite d’un sport collectif et à l’organisation des matches et entraînements, mais également qu’il avait un emploi de chauffeur à temps complet par ailleurs.
La Cour de cassation confirme la décision des Juges du fond en reprenant les conditions « classiques » requises pour qu’un contrat soit qualifié de contrat de travail, à savoir l’existence d’un lien de subordination :
« Attendu cependant que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné »
Aussi, selon la Cour de cassation : « Qu’en statuant comme elle a fait, par des motifs inopérants tirés de l’exercice d’une activité professionnelle exercée parallèlement, à temps complet, par l’intéressé, alors, d’une part, que celui-ci était tenu, sous peine de sanctions, conformément au règlement interne du club et la charte des droits et des devoirs du joueur de participer aux activités sportives, de suivre les consignes données lors des entraînements et de respecter le règlement du club, et, d’autre part, que le joueur percevait des sommes en contrepartie du temps passé dans les entraînements et les matches, ce dont il résultait que, nonobstant la qualification conventionnelle de défraiement, elles constituaient la rémunération d’une prestation de travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
En synthèse, la qualification de la relation entre le joueur et le Club amateur va dépendre de l’existence d’un pouvoir de subordination du Club sur le joueur. Si le Club a le pouvoir de donner des ordres et de sanctionner les manquements du joueur, alors il existe un risque de requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail avec de lourdes conséquences financières pour le Club.
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