par Sébastien Millet
Délégation de pouvoirs & maîtrise du risque pénal pour le chef d’entreprise
Avec la complexification croissante de la réglementation et la multiplication des infraction spéciales dans le domaine social, de la santé-sécurité ou de l’environnement, tout chef d’entreprise est chaque jour exposé à titre personnel en termes de responsabilité pénale en cas d’infraction commise dans l’entreprise.
En complément des produits d’assurance existant sur le marché (protection juridique des dirigeants, etc.), la technique de la délégation de pouvoirs constitue un outil de sécurisation juridique efficace, admis de longue date par la jurisprudence criminelle et aujourd’hui consacré dans le Code du travail (cf. art. L4741-1).
L’idée n’est pas de déresponsabiliser bien au contraire (sachant que dans certains cas, la responsabilité du chef d’entreprise reste exclusive ou peut être cumulative), mais de placer la responsabilité pénale au niveau de l’entreprise le plus adéquat d’autorité dans les organisations ayant une certaine taille ou disposant d’une structure complexe (entreprises multi-sites ou établissements, groupes de sociétés).
En cas d’infraction, c’est alors en principe le délégataire qui fait l’objet des poursuites pénales au lieu et place du chef d’entreprise, de manière éventuellement concomitante à la personne morale (société, association, etc.) puisque le délégataire est considéré comme son « représentant » au sens de l’article 121-2 du Code pénal.
Les tribunaux se montrent toutefois vigilants concernant les conditions de validité de la délégation de pouvoirs. Celle-ci ne doit pas être confondue avec une simple délégation de signature dans la mesure où elle entraîne un transfert de la responsabilité pénale.
Ainsi, de nombreux pièges sont à éviter, afin de ne pas être dans l’illusion de la sécurité.
Dans la mesure où mieux vaut prévenir que guérir, il est essentiel en la matière de se poser les bonnes questions pour définir un politique de délégation appropriée :
- Comment choisir le(s) délégataire(s) ?
- Pour quels types d’infractions ?
- Pour quelle durée ?
- Comment mettre en place et formaliser la délégation de pouvoirs ?
- Faut-il prévoir une rémunération spécifique ?
- Quelles actions de formation prévoir ?
- Quelle communication et publicité donner en interne ?
- Le chef d’entreprise peut-il conserver un pouvoir de décision dans le champ couvert par la délégation ?
- Est-il opportun d’autoriser la subdélégation ?
- Comment faire évoluer ou retirer une délégation ?
- Quelles sont les conséquences en cas de transfert d’entreprise ou de réorganisation ?
- Quelle position adopter en cas de poursuites et de contentieux ?
- Etc.
Si les choix peuvent varier d’un dirigeant à l’autre, ils doivent s’appuyer dans tous les cas sur une expertise, une méthodologie, et de préférence (bien que l’écrit ne soit pas ici obligatoire), un savoir-faire rédactionnel pour être véritablement opposable et susciter le moins possible de débats au plan probatoire.
Rappelons qu’il s’agit de confier la délégation à la « bonne personne » au sein de l’organisation, et ce, pour un domaine d’infractions nécessairement bien défini et limité (ce qu’il faut donc identifier), sur lequel le délégataire devra être investi de manière effective de l’autorité (pouvoir de décision, de commandement et de sanction), de la compétence (connaissances techniques et juridiques) et des moyens adaptés (autonomie, matériel, financier).
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