par Sébastien Millet
Laisser travailler un salarié pendant un arrêt de travail peut coûter cher !
Dès lors que le salarié est en arrêt de travail, que celui-ci soit lié à un accident ou une maladie d’origine professionnelle ou non, le contrat de travail est suspendu.
Le salarié est ainsi déchargé de son obligation d’accomplir sa prestation de travail, mais reste néanmoins tenu d’une obligation de loyauté vis-à-vis de l’employeur.
De son côté, l’employeur doit veiller strictement à ce que le salarié n’accomplisse aucune prestation de travail pendant la période de suspension de son contrat (laquelle s’achève avec l’éventuelle visite de reprise auprès de la médecine du travail au terme de l’arrêt).
Tout au plus est-il admis qu’il puisse demander au salarié la transmission des informations essentielles au bon fonctionnement du travail (mots de passe informatiques notamment) ; en-dehors de ce cas, le salarié peut refuser de répondre aux sollicitations de l’entreprise.
Reste que la réalité est bien souvent une « zone grise », le salarié pouvant aussi venir travailler de sa propre initiative.
L’employeur -s’il en a connaissance- doit alors y mettre les formes, mais se montrer ferme en demandant au salarié de rentrer chez lui (sauf pour les salariés titulaires d’un mandat représentatif et dont la mission n’est pas suspendue).
Toutes les consignes doivent être données au management intermédiaire en ce sens, notamment s’agissant des « tolérances » (attention également à ne pas susciter un sentiment de « culpabilisation » notamment chez les cadres, ce qui peut conduire à certains comportements déviants de surinvestissement professionnel au détriment des impératifs de protection de la santé et de la sécurité au travail, et dont on commence à voir émerger les conséquences au contentieux).
En effet, les sanctions peuvent être très lourdes, notamment sur le plan indemnitaire :
- Tout d’abord en cas d’accident : l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat ne peut laisser un salarié travailler pendant son arrêt, et un accident survenant dans ces circonstances pourrait être qualifié d’accident du travail et engager la responsabilité de l’employeur au titre de la faute inexcusable ;
- Le salarié peut également tirer prétexte d’un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles pour prendre acte de la rupture aux torts exclusifs de l’employeur, avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (sachant que ce type de manquement sera généralement jugé suffisamment grave pour justifier la rupture) ;
- Dans l’hypothèse d’un contrôle du service médical de la caisse d’assurance maladie et/ou de l’organisme de prévoyance, le salarié peut être poursuivi et condamné à rembourser les indemnités journalières perçues, mais peut alors se retourner contre l’employeur et obtenir l’octroi de dommages et intérêts correspondant au montant du remboursement des prestations indues (y compris les pénalités financières éventuelles). Cela, même dans le cas où le salarié est venu librement travailler, sans contraintes et par simple souci aigu de conscience professionnelle, comme vient de le juger la Cour de cassation (Cass. Soc. 21 novembre 2012).
- De son côté, l’employeur s’expose, outre les poursuites pénales éventuelles, au risque de se voir appliquer des pénalités financières prévues par le Code de la Sécurité sociale (art. L161-1-14 et R141-7 s.).
D’une manière générale, comme le dit la jurisprudence au visa de l’article 1147 du Code civil relatif à l’exécution loyale et de bonne foi du contrat, il appartient donc à l’employeur de tirer toutes les conséquences de la suspension du contrat de travail, notamment sur le plan organisationnel et managérial.
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