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Droit du Sport
par Guillaume Dedieu

Défraiement de sportifs et franchise de cotisations : attention également au risque de travail dissimulé !


 

Le versement de sommes d’argent à des sportifs évoluant dans des divisions amateurs fait toujours autant l’objet de contentieux prud’homaux (cf. notre panorama de jurisprudence dans le sport)

 

Se soustraire aux dispositions du code du travail et du code de la sécurité sociale demeure risqué pour les dirigeants d’associations. Cela tend en revanche à devenir une véritable opportunité pour les sportifs et les entraîneurs souhaitant, à l’issue d’une ou plusieurs saisons sportives, se retourner contre leur club.

 

Outre la reconnaissance d’un contrat de travail, des rappels de salaire et l’octroi des différentes indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt du 27 mai 2014 (CA Grenoble 27 mai 2014 n°12/04964) est venue cette fois ajouter aux montants des condamnations de l’association sportive le versement d’une indemnité forfaitaire de six mois de salaire pour travail dissimulé.

 

En l’espèce, une association sportive de basket évoluant au niveau amateur octroyait une indemnité mensuelle d’un montant de 700 € à un joueur. Elle mettait également à disposition de ce joueur un appartement.

 

Avant la fin de la saison sportive, l’association a notifié au joueur la suspension de sa licence et une interdiction de participer aux entraînements et aux matchs, l’indemnité mensuelle n’étant alors plus versée. Le joueur a immédiatement saisi le Conseil de Prud’hommes pour obtenir la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses indemnités, ce qu’il a obtenu.

 

En cause d’appel, le Club s’opposait à ces demandes en faisant valoir qu’il n’existait pas de contrat de travail et que le joueur avait simplement perçu un « défraiement » conforme aux dispositions des règlements de la fédération compétente. Ces règlements prévoyaient en effet que les sportifs pourront percevoir « des primes de match lors des manifestations officielles. Chaque prime ne pourra excéder une somme correspondant à 70 % du plafond journalier de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de chaque année. » Il s’agit ici d’une référence indirecte aux dispositifs d’exonération de cotisations sociales et charges alignées intitulées «  franchise de cotisations », applicables dans le secteur du sport et issues de la circulaire interministérielle n° 94-60 du 28 juillet 1994 (pour en savoir plus sur ce dispositif : cf. article précédent d’Arnaud RIMBERT).

 

La question se posait donc de savoir si la relation contractuelle entre le club et le joueur pouvait être qualifiée de contrat de travail et au premier chef si la rémunération, élément nécessaire à la reconnaissance d’un contrat de travail mais pas suffisant, était présent.

 

A cette question, la Cour d’appel va répondre par l’affirmative et reconnaître l’existence d’un contrat de travail.

 

A cette fin, la Cour d’appel va tout d’abord écarter la disposition fédérale invoquée précédemment en expliquant, logiquement, que celle-ci n’a pas pour conséquence de faire automatiquement échapper au droit du travail les relations entre un joueur et un club. Suivant une jurisprudence constante  (pour en savoir plus sur cette question : voir les différents articles de la rubrique droit du sport de notre blog), la Cour rappelle que « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité et notamment de l’existence d’un lien de subordination lequel est caractérisé lorsqu’un travail est effectué sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».

 

La Cour considère ensuite que le montant de l’indemnité mensuelle et la valeur de l’avantage matériel excédaient la simple compensation de frais et constituaient une véritable rémunération. Il est à ce titre important d’ajouter que les différentes exonérations de cotisations dont peuvent bénéficier les associations sportives (franchise de cotisations en l’espèce, assiette forfaitaire parfois) ne les exonèrent en aucun cas de leurs obligations en matière de droit du travail. Contrairement aux idées reçues, le versement de sommes d’argent à un sportif (appelé aussi parfois défraiement) à travers le système de la  franchise de cotisations constitue bien une rémunération au sens du code du travail.

 

Poursuivant son raisonnement, la cour d’appel va estimer que le joueur réalisait sa prestation sportive dans des conditions de dépendance juridique caractéristiques d’un contrat de travail. Elle précise sur ce point qu’il importe peu que le pouvoir hiérarchique du club se confonde avec « les consignes de nature sportive » ou « des règles relevant de la discipline sportive » (par exemple, la participation aux entraînements et aux matchs, la fixation des horaires de tout évènement…).

 

Les éléments constitutifs d’un contrat de travail étaient par conséquent réunis.

 

Concernant l’existence d’un travail dissimulé, la Cour d’appel va également accéder à la demande du salarié en considérant que « l’association s’est systématiquement affranchie des règles du travail ». En effet, estimant qu’il s’agissait d’un défraiement, le club n’a ni respecté les salaires minimas conventionnels, ni établi de bulletins de salaires mentionnant le nombre d’heures de travail réellement accomplies par le salarié. Il s’agissait  selon les juges d’éléments suffisants pour établir l’intention de l’association de dissimuler un emploi salarié, cet élément intentionnel étant nécessaire pour caractériser, conformément aux dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail, l’existence d’un travail dissimulé.

 

Il convient ici de préciser que l’article L.8223-1 du code du travail fixe forfaitairement à 6 mois l’indemnité dont peut prétendre un salarié lorsque l’existence d’un travail dissimulé est identifiée.

 

Les risques financiers ne cessent donc de s’accroître pour les associations se soustrayant, notamment dans leurs recrutements de sportifs, aux dispositions du code du travail.



Guillaume Dedieu

Avocat associé, Paris

Après l'obtention de son Master 2, intègre plusieurs fédérations sportives pour intervenir sur les questions d'emploi, de ressources humaines et de relations sociales. Exerce en qualité d'avocat au sein du cabinet Ellipse Avocats depuis 2014 à Lyon puis à Paris. Devient associé du bureau parisien au 1er janvier 2020.

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Guillaume Dedieu
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