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Droit de la Protection Sociale
par Guillaume Ciancia

Redressement URSSAF : et si l’avis de contrôle que vous avez reçu était nul ? La Cour d’appel de Rouen annule un avis de contrôle ne permettant pas de consulter aisément la « charte du cotisant contrôlé »


Voici un arrêt qui ne manquera pas de faire couler de l’ancre dans la documentation spécialisée.

Dans un arrêt du 14 décembre 2022, la Chambre sociale de la Cour d’appel de Rouen a en effet sanctionné de nullité un avis de contrôle dont les mentions ne permettaient pas au cotisant de prendre « aisément » connaissance de la charte du cotisant contrôlé, entrainant la nullité de l’ensemble des opérations de contrôle subséquentes. (CA de ROUEN, 14 décembre 2022, n°20/02180)

Conteste de la décision

Une société a fait l’objet d’un contrôle par l’URSSAF de HAUTE NORMANDIE de son application des dispositions de sécurité sociale.

Conformément à ses obligations, avant de procéder aux opérations de contrôle, l’organisme avait adressé à la société un avis de contrôle daté du 13 juin 2017. (CSS, Art. R243-59)

Constatant plusieurs irrégularités, à l’issue du contrôle, l’URSSAF de HAUTE NORMANDIE avait notifié à la société une lettre d’observations, suivie de deux mises en demeure pour le recouvrement des cotisations redressées.

N’ayant pu obtenir gain de cause auprès de la commission de recours amiable, la société contrôlée avait finalement été contrainte de saisir le Tribunal des affaires de sécurité sociale (devenu Pôle social du Tribunal judiciaire) pour contester le redressement dont elle avait fait l’objet.

Au soutien de sa contestation, elle invoquait la nullité de l’avis de contrôle qui lui avait été adressé. La société estimait en effet que cet avis de contrôle ne lui avait pas permis de consulter et télécharger la « charte du cotisant contrôlé », en violation de l’article R242-59 du Code de la Sécurité sociale et, notamment, des dispositions de l’arrêté du 9 mars 2018 fixant le modèle de la  Charte pour l’année 2018.

Il faut bien comprendre que la connaissance de cette charte est importante pour les entreprises contrôlées. Elle « vulgarise » les différentes dispositions du Code de la Sécurité sociale régissant le contrôle, et leur permet ainsi de connaitre l’étendue de leurs droits et devoirs. C’est la raison pour laquelle le Code de la Sécurité impose à l’organisme d’informer les cotisants de son existence.

La Tribunal judiciaire ayant fait droit aux demandes de la société, l’URSSAF de HAUTE NORMANDIE a formé un recours contre cette décision aux motifs :

  • Que les dispositions de l’arrêté du 8 mars 2018 fixant le modèle de la charte du cotisant pour l’année 2018, sur lesquelles  se fondait le Tribunal pour prononcer la nullité de l’avis de contrôle, n’étaient pas applicables au contrôle ;
  • Que l’article R243-59 du Code de la Sécurité sociale imposait seulement d’indiquer dans l’avis de contrôle l’adresse électronique où le cotisant pouvait consulter la Charte. L’URSSAF considérait que cet article n’imposait pas que l’adresse électronique soit un lien direct à la charte ;
  • Que la société n’avait pas fait usage de son droit de demander la communication matérielle de la Charte, et ne pouvait dès lors se plaindre de ne pas en avoir eu accès.

Décision de la Cour d’appel

La Cour d’appel de ROUEN a confirmé la décision du Tribunal.

  • Premièrement, la Cour relève que l’article R243-59 du Code de la Sécurité sociale impose à l’URSSAF de faire état, dans l’avis de contrôle, de l’existence de la « Charte du cotisant contrôlé », et de préciser l’adresser électronique où ce document est consultable. La Cour considère ainsi que cette mention doit s’analyser en une formalité substantielle, qui doit être respectée à peine de nullité des opérations de contrôle ;
  • Deuxièmement, la Cour estime que si l’arrêté du 9 mars 2018 fixant le modèle de la Charte pour 2018 n’était pas applicable au contrôle comme le soutenais l’URSSAF, l’arrêté antérieur du 23 décembre 2016 au titre de l’année 2017 précisait déjà l’obligation pour l’avis de contrôle de mentionner l’adresse électronique à laquelle le cotisant pouvait consulter et télécharger la charte ;
  • Troisièmement, qu’en l’espèce, l’avis de contrôle ne mentionnait que l’adresse « générale » du site de l’URSSAF. Or, cette adresse ne permettait pas d’accéder directement à la charte et nécessitait pas moins de quatre opérations successives pour parvenir à cet objectif.

Il en résultait pour la Cour que l’URSSAF n’avait pas permis au cotisant de consulter « aisément » la charte avant le début des opérations de contrôle, entrainant une violation de son obligation prévue à l’article R243-59 du Code de la Sécurité sociale.

Considérant le défaut de cette formalité considérée comme substantielle, la Chambre sociale de la Cour d’appel de ROUEN annule purement et simplement l’avis de contrôle, ainsi que l’ensemble des opérations de contrôle subséquentes.

Analyse de la décision

La position prise par la Cour d’appel de ROUEN est inédite.

En effet, si la Cour de cassation sanctionnait déjà l’absence de toute mention relative à la « Charte du cotisant contrôlé » (Civ 2ème, 18 septembre 2014, n°13-17084), la Cour d’appel de ROUEN va plus loin. Elle vérifie la possibilité offerte au cotisant d’accéder effectivement aux dispositions de la Charte du cotisant contrôlé.

Or, en considérant que la seule mention de l’adresse électronique de l’URSSAF est insuffisante pour garantir cet accès aux cotisants, la Cour d’appel de ROUEN remet potentiellement en cause l’ensemble des avis de contrôle adressés par l’URSSAF. Ces avis sont en effet rédigés sur la base de modèles qui sont identiques sur l’ensemble du territoire.

En d’autres termes, si la Cour de cassation venait à confirmer le raisonnement de la Cour d’appel, l’enjeu financier pour l’organisme est gigantesque. La nullité de l’avis de contrôle entrainant en effet celle de l’ensemble des opérations de contrôle subséquentes.

Et cette hypothèse n’est pas inenvisageable. Juridiquement en tout cas :

  • L’article R243-59 du Code de la Sécurité sociale impose à l’avis de contrôle de mentionner « l’adresse électronique où ce document approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable» afin de permettre au cotisant de connaitre « les droits dont [il] dispose pendant son déroulement et à son issue, sur le fondement du [Code de la Sécurité sociale] ».
  • Les différents arrêtés pris chaque année pour fixer le modèle de la Charte du cotisant contrôlé (Cf pour 2022 : Arrêté du 31 mars 2022 ; Synthèse dans l’article « Contrôles URSSAF : La « nouvelle » charte du cotisant contrôlé pour l’année 2022 est arrivée !»), rappellent également l’obligation pour l’avis de contrôle de mentionner « l’adresse électronique à laquelle vous pouvez consulter et télécharger la Charte du cotisant contrôlé. »

Or, la seule mention de l’adresse électronique du site internet de l’URSSAF, imposant de multiples manipulations pour accéder à la charte, ne satisfait pas à cette obligation. En particulier au stade de l’avis de contrôle, qui laisse peu de temps au cotisant pour prendre connaissance de ses droits et préparer le contrôle à venir.

Affaire à suivre donc !

Pour l’heure, nous pouvons d’ores et déjà nous réjouir de cette position de la Cour d’appel de ROUEN qui pourra opportunément être invoquée à l’appui des contestations au fond des redressements URSSAF.

Le cabinet ELLIPSE AVOCATS se tient à votre disposition pour vous accompagner tout le long du contrôle et en cas de redressement notifié pour mettre en place une stratégie pertinente.



Guillaume Ciancia

Avocat, Bordeaux

Après un stage réussi à la fin de ma formation à l'école des avocats, j'ai intégré l'équipe ELLIPSE AVOCATS en janvier 2019. Fort de mon expérience et ma formation, j'interviens auprès des clients pour les assister dans leurs dossiers conseil et contentieux en droit du travail et de la protection sociale.

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